Les projets hybrides sont une source viable d’électricité continue

Le Canada joue un rôle important dans la transition mondiale vers des systèmes énergétiques abordables, flexibles, fiables et durables; et des intervenants de partout au pays misent sur cette transformation.
Un récent rapport du Conseil Génération Énergie, un groupe national d’experts, de professionnels de l’industrie et de dirigeants gouvernementaux, présente une vision caractérisée par une augmentation des investissements en électricité propre, une réduction radicale du gaspillage d’énergie et une plus grande utilisation de carburants renouvelables.
Pour mieux comprendre le rôle central du Canada, nous avons rencontré Tom Levy, ingénieur principal et chef de la recherche et du développement en énergie éolienne à Ressources naturelles Canada, au laboratoire CanmetÉNERGIE d’Ottawa.

Tom Levy, Ressources naturelles Canada
Transition électrique Canada : Que pensez-vous des progrès accomplis dans la transformation du réseau électrique au Canada? Êtes-vous optimiste?
Tom Levy : Au départ, on cherchait ce qu’il fallait apporter au réseau pour atteindre un taux de pénétration de 5 ou 10 % [d’énergie renouvelable] dans le portefeuille énergétique. Aujourd’hui, on se demande « Et pourquoi pas 100 %? ». Maintenant que les réseaux se sont révélés fiables à des taux de pénétration de 5 et de 10 %, on peut voir plus grand. Les outils choisis pour favoriser la fiabilité à ces faibles taux sont en place et fonctionnent bien, de façon générale. On peut alors voir plus grand et viser un taux de 100 %.
Le Canada a fait des progrès. Les opérateurs de réseaux et l’industrie ont fait avancer notre compréhension de l’exploitation de réseaux électriques avec des taux relativement élevés d’énergie renouvelable.
Quelques projets du genre ont porté fruit ici même au Canada.
À CanmetÉNERGIE-Ottawa, on se questionne sur la suite : comment créer les outils nécessaires pour atteindre le 100 %? Comment modifier les raccordements au réseau? Comment utiliser plus efficacement les ressources reposant sur les convertisseurs pour assurer la fiabilité du réseau? Quels seront les nouveaux outils nécessaires?
Quelle est votre opinion sur la viabilité des projets hybrides regroupant énergie éolienne, énergie solaire et stockage d’énergie?
TL : Selon nos recherches, il faudra exploiter des solutions multitechnologiques. Il est peu probable qu’une seule technologie permette d’atteindre les cibles de réduction du carbone.
On s’attend donc à voir entrer en jeu les énergies éolienne, solaire et hydroélectrique et le stockage – ainsi que l’interconnexion et la demande flexible et combinée – dans la conception du réseau électrique du futur.
Selon vous, à quoi ressemblera le réseau électrique du Canada dans 20 ans, et quelle sera la place des énergies renouvelables?
TL : Le réseau évoluera probablement de différentes façons. D’une part, l’interconnexion des réseaux entre les régions et les provinces augmentera, ce qui laissera possiblement place à une coordination accrue des zones d’équilibrage adjacentes. D’autre part, les marchés de l’électricité eux-mêmes pourraient se transformer dans ce nouveau contexte.
À mon avis, certaines régions du pays sont particulièrement intéressantes. La région de l’Atlantique, par exemple, pourrait compter beaucoup plus d’interconnexions qu’aujourd’hui.
Le diesel pourrait toujours être présent dans le Nord. Nos travaux indiquent que sa contribution comme source d’électricité pourrait diminuer, mais qu’il pourrait aider davantage à la fiabilité du réseau.
Pour ce qui est du Sud, des études indiquent que l’apport des énergies renouvelables à la fiabilité du réseau devrait aussi changer; cette transformation s’opère déjà dans certains pays comme l’Irlande et l’Espagne.
Que doit-on faire, concrètement, pour obtenir ces résultats?
TL : En fait, on devrait envisager non pas une transformation, mais plutôt une évolution du réseau actuel. Je pense entre autres aux technologies et à la façon de les utiliser, aux structures de marché, à la réglementation, aux raccordements au réseau et aux ententes d’interconnexion. Selon moi, ces aspects du réseau seront vraisemblablement différents à des taux de pénétration très élevés d’énergie renouvelable.
Prenons par exemple la réponse de fréquence rapide, dont la plupart des éoliennes modernes sont dotées. Dans certaines régions, cette capacité (ainsi que d’autres) sert de plus en plus à offrir des services auxiliaires ou de réseau. Toutefois, on ne sait toujours pas comment les provinces et les services publics convaincront les propriétaires de technologies reposant sur les convertisseurs d’intégrer leurs marchés auxiliaires, et éventuellement leur salle de commande. Les stratégies à cet égard varieront probablement selon les caractéristiques des zones d’équilibrage.
D’un point de vue technologique, les microréseaux, le stockage saisonnier à long terme et les onduleurs de couplage au réseau devraient faire l’objet de recherche et développement en continu. D’ailleurs, notre laboratoire de Varennes travaille activement sur certaines de ces technologies.
Pourriez-vous donner quelques exemples de réussite dans les dernières années?
TL : Il y en a plusieurs. Je dirais que les prix des appels d’offres ouverts en Ontario, au Québec, en Alberta et en Saskatchewan sont très encourageants.
Pour ce qui est de l’exploitation de réseau électrique, le cas de la Nouvelle-Écosse est intéressant.
Cette province a fait beaucoup avec très peu; elle n’a pas une très grande capacité d’interconnexion avec ses voisins, contrairement à d’autres régions du pays. Malgré ce défi, elle est parvenue à faire grimper sa pénétration éolienne d’un taux très faible à un taux largement supérieur à 10 %.
Que pensez-vous de l’avenir de l’énergie renouvelable au Canada? Êtes-vous optimiste quant à la poursuite de la transition?
TL : Je suis vraiment très optimiste. Dans de nombreuses facettes de la société, que ce soit le gouvernement, les établissements d’enseignement, le secteur privé ou même les citoyens, on voit les changements climatiques comme un grand problème qui requiert une attention particulière et immédiate. Nombre de ces intervenants croient que les énergies renouvelables font partie de la solution. Beaucoup de grands penseurs se penchent sur la question, et cela me donne de l’espoir.
Cette entrevue a été révisée et condensée.
Transition électrique Canada, un passionnant congrès et salon professionnel d’envergure nationale, sera au centre de la transition du Canada vers un système énergétique plus abordable, flexible, fiable et durable.
Transition électrique Canada, qui se tiendra pour la première fois du 10 au 12 novembre 2020 au Palais des congrès du Toronto métropolitain, est l’événement principal de l’industrie pour les entreprises, les experts et les autres influenceurs des technologies éoliennes et solaires, et de technologies connexes d’énergie renouvelable.